Lamort n’est rien Je suis seulement passée Dans la pièce à côté.. Je suis moi, tu es toi. Ce que nous étions L’un pour l’autre, Nous le sommes toujours.. Donne-moi le nom Que tu m’as toujours donné, Parle-moi Comme tu l’as toujours fait.. N’emploie pas un ton différent, Ne prends pas un air solennel Et triste. Continue à rire De ce qui nous faisait rire Ensemble.
La mort n'est rien, je suis seulement passé, dans la pièce à côté. Je suis moi. Vous êtes vous. Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné, parlez-moi comme vous l'avez toujours fait. N'employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste. Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l'a toujours été, sans emphase d'aucune sorte, sans une trace d'ombre. La vie signifie tout ce qu'elle a toujours été. Le fil n'est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de vos pensées, simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.
Péguyappréciait la conception du présent, où rien n’est figé, tout reste possible. Il tenta de convaincre l’Église catholique de ne pas mettre à l’index Bergson. « C’est une
La mort nest rien La mort nest rien, je suis simplement passé dans la pièce à suis moi, vous êtes que nous étions les uns pour les autres,Nous le sommes le nom que vous mavez toujours donné,Parlez-moi comme vous lavez toujours fait,Nemployez pas un ton solennel ou triste,Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble,Priez, souriez, pensez à moi,Que mon nom soit prononcé comme il la toujours été,Sans emphase daucune sorte, sans trace dombre,La vie signifie tout ce quelle a toujours signifié,Elle est ce quelle a toujours fil nest pas coupé,Simplement parce que je suis hors de votre vous attends. Je ne suis pas de lautre côté du voyez tout est bien. [Charles Péguy] Très beau Les chemins sont bien parallèles... juste que parfois, il y en a des entitésqui prennent trop de place et empiètent sur notre chemin. J'aime
CharlesPEGUY - d'après un texte de Saint Augustin-Charles Pierre Péguy, né le 7 janvier 1873 à Orléans et mort pour la France le 5 septembre 1914 à Villeroy, est un écrivain,
Publié le 05/09/2014 à 1655 Cent ans après sa disparition, les mots de Charles Péguy résonnent encore avec une justesse déconcertante. Rue des Archives/Rue des Archives/Tallandier L'écrivain français est mort au combat le 5 septembre 1914. À l'occasion du centenaire de sa mort, voici un florilège de réflexions très actuelles du fondateur des Cahiers de la sa préface de Péguy tel qu'on l'ignore Gallimard, 1973, Jean Bastaire se demande quand Charles Péguy va-t-il enfin sortir de ce placard hypocrite et désuet où l'a confiné la seconde moitié du siècle?». Un temps balayé des références culturelles, Charles Péguy revient, plus actuel que jamais. Cent ans après sa disparition, ses mots résonnent encore avec une justesse déconcertante. Sur la politique, l'enseignement, l'argent, les grandes problématiques de notre temps, Charles Péguy nous parle encore.● Le monde politiqueLe parti politique socialiste est entièrement composé de bourgeois intellectuels.» L'Argent, 1913Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin. Le monde des intelligents, des avancés, de ceux qui savent, de ceux à qui on n'en remontre pas, de ceux à qui on n'en fait pas accroire. Le monde de ceux à qui on n'a plus rien à apprendre. Le monde de ceux qui font le malin. Le monde de ceux qui ne sont pas des dupes, des imbéciles. Comme nous. C'est-à -dire le monde de ceux qui ne croient à rien, pas même à l'athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à rien. Exactement le monde de ceux qui n'ont pas de mystique. Et qui s'en vantent.» Notre Jeunesse, 17 juillet 1910● La révolutionUne révolution n'est pas une opération par laquelle on se contredit. C'est une opération par laquelle réellement on se renouvelle, on devient nouveau, frais, entièrement, totalement, absolument nouveau. Et c'est en partie pour cela qu'il y a si peu de véritable révolution dans le monde moderne. Jamais on n'avait tant parlé de Révolution. Jamais on n'a été aussi incapable de faire aucune véritable révolution, rénovation, innovation. Parce que jamais aucun monde n'a autant manqué de fraîcheur.» Suite de Notre Patrie, novembre 1905.● L'enseignementIl n'y a jamais eu de crise de l'enseignement ; les crises de l'enseignement ne sont pas des crises de l'enseignement ; elles sont des crises de vie. Quand une société ne peut pas enseigner, c'est que cette société ne peut pas s'enseigner ; c'est qu'elle a honte, c'est qu'elle a peur de s'enseigner elle-même ; pour toute humanité, enseigner, au fond, c'est s'enseigner ; une société qui ne s'enseigne pas est une société qui ne s'aime pas ; qui ne s'estime pas ; et tel est précisément le cas de la société moderne.» Pour la rentrée, 1904● L'argentPour la première fois dans l'histoire du monde l'argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l'histoire du monde l'argent est seul en face de l'esprit. Pour la première fois dans l'histoire du monde l'argent est seul devant Dieu.» Note conjointe, 1er août 1914● L'artUne véritable œuvre d'art ne naît pas pièce de musée. Mais elle naît dans un pays parmi des hommes et des mœurs. L'idéal n'est pas que les œuvres soient couchées quelque part dans un cimetière universel, mais l'idéal est que les fleurs et les œuvres naissent, poussent, croissent, demeurent libres dans la terre natale, et qu'elles y accueillent le visiteur en voyage. Aujourd'hui, au contraire, c'est le visiteur inerte qui fait voyager les œuvres.» Réponse brève à Jaurès, 4 juillet 1900● L'EgliseL'Eglise ne se rouvrira point le peuple à moins que de faire, elle aussi, elle comme tout le monde, à moins que de faire les frais d'une révolution économique, d'une révolution sociale, d'une révolution industrielle, pour dire le mot d'une révolution temporelle pour le salut éternel.» Notre Jeunesse, 1910● La presseOn conduit aujourd'hui les lecteurs comme on n'a pas cessé de conduire les électeurs. La presse constitue un quatrième pouvoir. Beaucoup de journalistes, qui blâment avec raison la faiblesse des mœurs parlementaires, feraient bien de se retourner sur soi-même et de considérer que les salles de rédaction se tiennent comme les Parlements. Il y a au moins autant de démagogie parlementaire dans les journaux que dans les assemblées. Il se dépense autant d'autorité dans un comité de rédaction que dans un conseil des ministres ; et autant de faiblesse démagogique. Les journalistes écrivent comme les députés parlent. Un rédacteur en chef est un président du conseil, aussi autoritaire, aussi faible.» De la Raison, 1901.
Puissionsnous méditer ce texte souvent attribué à tort à Charles Péguy, comme un message d'outre-tombe. ''La mort n'est rien, je suis seulement passé, dans la pièce à côté. Je suis moi. Vous êtes vous. Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné, parlez-moi comme vous l'avez
La mort n’est rien, je suis simplement passé dans la pièce à côté. Je suis moi, vous êtes vous. Ce que nous étions les uns pour les autres, Nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné, Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait, N’employez pas un ton solennel ou triste, Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble, Priez, souriez, pensez à moi, Que mon nom soit prononcé comme il l’a toujours été, Sans emphase d’aucune sorte, sans trace d’ombre, La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifié, Elle est ce qu’elle a toujours été. Le fil n’est pas coupé, Simplement parce que je suis hors de votre vue. Je vous attends. Je ne suis pas loin. Juste de l’autre côté du chemin. Vous voyez tout est bien. [Charles Péguy]
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Tout cela se passait sous la clarté des cieux ; Les anges dans la nuit avaient formé des chœurs. Les anges dans la nuit chantaient comme des fleurs. Par dessus les bergers, par dessus les rois mages L’étoile dans la nuit brillait comme un clou d’or. L’étoile dans la nuit brillait Juste seul poussa la clameur éternelle. Les larrons ne criaient qu’une clameur humaine ; Car ils ne connaissaient qu’une détresse humaine ; Ils n’avaient éprouvé qu’une détresse humaine. Lui seul pouvait crier la clameur surhumaine ; Lui seul connut alors cette surhumaine détresse. Sa gorge qui lui faisait mal. Qui lui cuisait. Qui lui brûlait. Qui lui déchirait. Sa gorge sèche et qui avait soif. Son gosier sec. Son gosier qui avait soif. Sa main gauche qui lui brûlait. Et sa main droite. Son pied gauche qui lui brûlait. Et son pied droit. Parce que sa main gauche était percée. Et sa main droite. Et son pied gauche était percé. Et son pied droit. Tous ses quatre membres. Ses quatre pauvres membres. Et son flanc qui lui brûlait. Son flanc percé. Son cœur percé. Et son cœur qui lui brûlait. Son cœur consumé d’amour. Son cœur dévoré d’ reniement de Pierre et la lance romaine ; Les crachats, les affronts, la couronne d’épines ; Le roseau flagellant, le sceptre de roseau ; Les clameurs de la foule et les bourreaux romains. Le soufflet. Car ce fut la première fois qu’il fut souffleté. Il n’avait pas crié sous la lance romaine ; Il n’avait pas crié sous le baiser parjure ; Il n’avait pas crié sous l’ouragan d’injure ; Il n’avait pas crié sous les bourreaux romains. Alors pourquoi cria-t-il ; devant quoi cria-t-il. Tristis, tristis usque ad mortem ; Triste jusqu’à la mort ; mais jusqu’à quelle mort ; Jusqu’à faire une mort ; ou jusqu’à cette date De la revoyait l’humble berceau de son enfance, La crèche, Où son corps fut couché pour la première fois ; Il prévoyait le grand tombeau de son corps mort, Le dernier berceau de tout homme, Où il faut que tout homme se couche. Pour dormir. Censément. Apparemment. Pour enfin reposer. Pour pourrir. Son corps. Entre quatre planches. En attendant la résurrection des corps. Jusqu’à la résurrection des corps. Heureux quand les âmes ne pourrissent point. Et il était homme ; Il devait subir le sort commun ; S’y coucher comme tout le monde ; Il devait y passer comme tout le monde ; Il y passerait. Comme les autres. Comme tout le monde. Comme tant d’autres. Après tant d’autres. Son corps serait couché pour la dernière fois. Mais il n’y resterait que deux jours, trois jours ; à cause de sa résurrection. Car il ressusciterait le troisième jour. À cause de sa résurrection particulière et de son ascension. À lui. Qu’il fit avec son propre corps, avec le même linge de son ensevelissement ; Blanc comme le mouchoir de cette nommée Véronique ; Le linge blanc comme un lange. Et que l’on entoure tout à fait comme un lange. Mais plus grand, beaucoup plus grand. Parce que lui-même il avait grandi. Il était devenu un homme. C’était un enfant qui avait beaucoup grandi. Il serait enseveli par ces femmes. Pieusement par les mains de ces femmes. Comme un homme qui est mort dans un village. Tranquillement dans sa maison dans son village. Accompagné des derniers saisit d’un regard toute sa vie humaine, Que trente ans de famille et trois ans de public N’avaient point accomplie ; Que trente ans de travail et trois ans de prières, Trente-trois ans de travail, trente-trois ans de prières N’avaient point achevée ; Que trente ans de charpente et trois ans de parole, Trente-trois ans de charpente, trente-trois ans de parole, secrète ; publique ; N’avaient point épuisée ; Car il avait travaillé dans la charpente, de son métier. Il travaillait, il était dans la charpente. Dans la charpenterie. Il était ouvrier charpentier. Il avait même été un bon ouvrier. Comme il avait été un bon tout. C’était un compagnon charpentier. Son père était un tout petit patron. Il travaillait chez son père. Il faisait du travail à voyait, il revoyait aussi l’établi et le rabot. L’établi. Le billot pour appuyer le morceau de bois que l’on fend. La scie et la varlope. Les beaux vrillons, les beaux copeaux de bois. La bonne odeur du bois frais. Fraîchement coupé. Fraîchement taillé. Fraîchement scié. Et la belle couleur, et la belle odeur, Et la bonne couleur, et la bonne odeur. Du bois quand on enlève l’écorce. Quand on le pelure. Comme un beau fruit. Comme un bon fruit. Que l’on mangerait. Mais ce sont les outils qui le mangent. Et l’écorce qui se sépare. Qui s’écarte. Qui se pèle. Qui s’enlève délicatement sous la cognée. Qui sent si bon et qui a une si belle couleur était fait pour ce métier-là . Sûrement. Le métier des berceaux et des cercueils. Qui se ressemblent tant. Des tables et des lits. Et aussi des autres meubles. De tous les meubles. Car il ne faut oublier personne. Il ne faut décourager personne. Le métier des buffets, des armoires, des commodes. Des maies. Pour mettre le pain. Des escabeaux. Et le monde n’est que l’escabeau de vos avait été un bon ouvrier. Un bon charpentier. Comme il avait été un bon fils. Un bon fils pour sa mère Marie. Un enfant bien sage. Bien docile. Bien soumis. Bien obéissant à ses père et mère. Un enfant. Comme tous les parents voudraient en avoir. Un bon fils pour son père Joseph. Pour son père nourricier Joseph. Le vieux charpentier. Le maître charpentier. Comme il avait été un bon fils aussi pour son père. Pour son père qui êtes aux il avait été un bon pauvre. Comme il avait été un bon citoyen. Il avait été un bon fils pour ses père et mère. Jusqu’au jour où il avait commencé sa mission. Sa prédication. Un bon fils pour sa mère Marie. Jusqu’au jour où il avait commencé sa trois jours elle pleurait. Depuis trois jours elle errait, elle suivait. Elle suivait le cortège. Elle suivait les événements. Elle suivait comme à un enterrement. Mais c’était l’enterrement d’un vivant. D’un vivant encore. Elle suivait ce qui se passait. Elle suivait comme si elle avait été du cortège. De la cérémonie. Elle suivait comme une suivante. Comme une servante. Comme une pleureuse des Romains. Des enterrements romains. Comme si ça avait été son métier. De pleurer. Elle suivait comme une pauvre femme. Comme une habituée du cortège. Comme une suivante du cortège. Comme une servante. Déjà comme une habituée. Elle suivait comme une pauvresse. Comme une mendiante. Eux qui n’avaient jamais rien demandé à personne. À présent elle demandait la charité. Sans en avoir l’air elle demandait la charité. Puisque sans en avoir l’air, sans même le savoir elle demandait la charité de la pitié. D’une piété. D’une certaine piété. ce qu’il avait fait de sa mère. Depuis qu’il avait commencé sa mission. Elle suivait, elle pleurait. Elle pleurait, elle pleurait. Les femmes ne savent que pleurer. On la voyait partout. Dans le cortège mais un peu en dehors du cortège. Sous les portiques, sous les arcades, dans les courants d’air. Dans les temples, dans les palais. Dans les rues. Dans les cours et dans les arrière-cours. Et elle était montée aussi sur le Calvaire. Elle aussi elle avait gravi le Calvaire. Qui est une montagne escarpée. Et elle ne sentait seulement pas qu’elle marchait. Elle ne sentait seulement pas ses pieds qui la portaient. Elle ne sentait pas ses jambes sous elle. Elle aussi elle avait gravi son calvaire. Elle aussi elle avait monté, monté. Dans la cohue, un peu en arrière. Monté au Golgotha. Sur le Golgotha. Sur le faîte. Jusqu’au faîte. Où il était maintenant crucifié. Cloué des quatre membres. Comme un oiseau de nuit sur la porte d’une grange. Lui le Roi de Lumière. Au lieu appelé Golgotha. C’est-à -dire la place du ce qu’il avait fait de sa mère. Depuis trois jours elle suivait elle suivait. Accompagnée seulement de trois ou quatre femmes. De ces saintes femmes. Escortée, entourée seulement de ces quelques femmes. De ces quelques saintes femmes. Des saintes femmes. Enfin. Puisqu’éternellement on devait les nommer ainsi. Qui gagnaient ainsi. Qui assuraient ainsi leur part de paradis. Et pour sûr elles auraient une bonne place. Aussi bonne que celle qu’elles avaient en ce moment. Puisqu’elles auraient la même place. Car elles seraient aussi près de lui qu’en ce moment. Éternellement aussi près qu’en ce moment même. Éternellement aussi près dans sa gloire. Que dans sa passion. Dans la gloire de sa ce qu’il avait fait de sa mère. Elle pleurait comme jamais il ne sera donné ; Comme jamais il ne sera demandé À une femme de pleurer sur terre. Éternellement jamais. À aucune femme. Voilà ce qu’il avait fait de sa mère. D’une mère maternelle. Ce qu’il y a de curieux c’est que tout le monde la respectait. Les gens respectent beaucoup les parents des condamnés. Ils disaient même la pauvre femme. Et en même temps ils tapaient sur son fils. Parce que l’homme est comme ça. L’homme est ainsi fait. Le monde est comme ça. Les hommes sont comme ils sont et on ne pourra jamais les changer. Elle ne savait pas qu’au contraire il était venu changer l’homme. Qu’il était venu changer le monde. Elle suivait, elle pleurait. Et en même temps ils tapaient sur son garçon. Elle suivait, elle pleurait. Tout le monde la respectait. Tout le monde la plaignait. On disait la pauvre femme. C’est que tous ces gens n’étaient peut-être pas méchants. Ils n’étaient pas méchants au fond. Ils accomplissaient les Écritures. Ce qui est curieux, c’est que tout le monde la respectait. Parce qu’elle était la mère du condamné. On pensait c’est la famille du condamné. On le disait même à voix basse. On se le disait, entre soi, Avec une secrète admiration. Et on avait raison, c’était toute sa famille. Sa famille charnelle et sa famille élue. Sa famille sur la terre et sa famille dans le ciel. Elle suivait, elle pleurait. Depuis trois jours les gens disaient Elle a vieilli de dix ans. Je l’ai encore vue. Je l’avais encore vue la semaine dernière. En trois jours elle a vieilli de dix suivait, elle pleurait, elle ne comprenait pas très bien. Mais elle comprenait très bien que le gouvernement était contre son garçon. Ce qui est une mauvaise affaire. Que le gouvernement était pour le mettre à mort. Toujours une mauvaise affaire. Et qui ne pouvait pas bien finir. Tous les gouvernements s’étaient mis d’accord contre lui. Le gouvernement des Juifs et le gouvernement des Romains. Le gouvernement des juges et le gouvernement des prêtres. Le gouvernement des soldats et le gouvernement des curés. Il n’en réchapperait sûrement pas. Certainement pas. Tout le monde était contre lui. Tout le monde était pour sa mort. Pour le mettre à mort. Voulait sa fois on avait un gouvernement pour soi. Et l’autre contre soi. Alors on pouvait en réchapper. Mais lui tous les gouvernements. Tous les gouvernements d’abord. Et le gouvernement et le peuple. C’est ce qu’il y avait de plus fort. C’était ça surtout qu’on avait contre soi. Le gouvernement et le peuple. Qui d’habitude ne sont jamais d’accord. Et alors on en profite. On peut en profiter. Il est bien rare que le gouvernement et le peuple soient d’accord. Et alors celui qui est contre le gouvernement. Est avec le peuple. Pour le peuple. Et celui qui est contre le peuple. Est avec le gouvernement. Pour le gouvernement. Celui qui est appuyé par le gouvernement. N’est pas appuyé par le peuple. Celui qui est soutenu par le peuple. N’est pas soutenu par le gouvernement. Alors en s’appuyant sur l’un ou sur l’autre. Sur l’un contre l’autre. On pouvait quelquefois en réchapper. On pourrait peut-être s’arranger. Mais ils n’avaient pas de chance. Elle voyait bien que tout le monde était contre lui. Le gouvernement et le peuple. Ensemble. Et qu’ils l’auraient. Qu’ils auraient sa aussi elle était montée. Montée avec tout le monde. Jusqu’au faîte. Sans même s’en apercevoir. Ses jambes la portaient sans même s’en apercevoir. Elle aussi elle avait fait son chemin de croix. Les quatorze stations. Au fait était-ce bien quatorze stations. Y avait-il bien quatorze stations. Y en avait-il bien quatorze. Elle ne savait plus au juste. Elle ne se rappelait plus. Pourtant elle les avait faites. Elle en était sûre. Mais on peut se tromper. Dans ces moments-là la tête se trouble. Nous autres qui ne les avons pas faites nous le savons. Elle qui les avait faites elle ne savait le monde était contre lui. Tout le monde voulait sa qu’il avait donc fait à tout le monde. Je vais vous le dire Il avait sauvé le pleurait, elle pleurait. Tout le monde était contre lui. Elle suivait de loin. De près. D’assez loin. D’assez près. Cette cohue hurlante. Cette meute qui aboyait. Et mordait. Cette cohue hurlante qui hurlait et tapait. Sans conviction. Avec conviction. Car ils accomplissaient les Écritures. On peut dire qu’ils tapaient religieusement. Puisqu’ils accomplissaient les Écritures. Des prophètes. Tout le monde était contre lui. Depuis Ponce Pilate. Ce Ponce Pilate. Pontius Pilatus. Sub Pontio Pilato passus. Et sepultus est. Un brave homme. Du moins on le disait un brave homme. Bon. Pas méchant. Un Romain. Qui comprenait les intérêts du pays. Et qui avait beaucoup de mal à gouverner ces Juifs. Qui sont une race indocile. Seulement, voilà , depuis trois jours une folie les avait pris contre son garçon. Une folie. Une espèce de rage. Oui ils étaient enragés. Après lui. Qu’est-ce qu’ils avaient. Il n’avait pourtant pas fait tant de mal que ça. Tous. Lui en tête Ponce Pilate. L’homme qui se lavait les mains. Le procurateur. Le procurateur pour les Romains. Le procurateur de Judée. Tous. Et Caïphe le grand-prêtre. Les généraux, les officiers, les soldats. Les sous-officiers, centeniers, centurions, décurions. Les prêtres et les princes des prêtres. Les écrivains. C’est-à -dire les scribes. Les pharisiens, les publicains, les péagers. Les Pharisiens et les Sadducéens. Les publicains qui sont comme qui dirait les percepteurs. Et qui ne sont pas pour ça des hommes plus mauvais que les lui avait dit aussi qu’il avait des disciples. Des apôtres. Mais on n’en voyait point. Ça n’était peut-être pas vrai. Il n’en avait peut-être pas. Il n’en avait peut-être jamais eu. On se trompe, des fois, dans la vie. S’il en avait eu on les aurait vus. Parce que s’il en avait eu, ils se seraient montrés. Hein, c’étaient des hommes, ils se seraient elle avait su. Si elle avait su elle aurait pleuré toujours. Pleuré toute sa vie. Pleuré d’avance. Elle se serait méfiée. Elle aurait pris les devants. Comme ça elle n’aurait pas été trompée. Elle n’aurait pas été trahie. Elle s’était trahie elle-même en ne pleurant pas. Elle s’était volée elle-même. Elle s’était trompée elle-même. En ne pleurant pas. En acceptant ces jours de bonheur. Elle s’était trahie elle-même. Elle était entrée dans le jeu. Quand on pense qu’il y a des jours où elle avait ri. Innocemment. L’innocente. Tout allait si bien dans ce temps-là . Elle pleurait elle pleurait pour effacer ces jours. Elle pleurait, elle pleurait, elle effaçait ces jours. Ces jours qu’elle avait volés. Qu’on lui avait volés. Ces jours qu’elle avait dérobés à son pauvre fils qui en ce moment expirait sur la croix. Non seulement il avait contre lui le peuple. Mais les deux peuples. Tous les deux peuples. Le peuple des pauvres. Qui est sérieux. Et respectable. Et le peuple des misérables. Des miséreux. Qui n’est pas sérieux. Ni pas respectable. Il avait contre lui ceux qui travaillaient et ceux qui ne faisaient rien. Ceux qui travaillaient et ceux qui ne travaillaient pas. Ensemble. Également. Le peuple des ouvriers. Qui est sérieux. Et respectable. Et le peuple des mendiants. Qui n’est pas sérieux. Mais qui est peut-être respectable tout de même. Parce qu’on ne sait pas. La tête se trouble. La tête se dérange. Les idées se dérangent quand on voit des choses comme n’avait tout de même pas fait du mal à tout ce monde. À tout ce monde-là . Enfin on exagère. On exagère toujours. Le monde est mauvaise langue. On exagérait. Enfin il n’avait pas fait du mal à tout le monde. Il était trop jeune. Il n’avait pas eu le temps. D’abord il n’aurait pas eu le temps. Quand un homme est tombé, tout le monde est dessus. Vous savez, chrétiens, ce qu’il avait fait. Il avait fait ceci. Qu’il avait sauvé le pleurait, elle était devenue affreuse. Les cils collés. Les deux paupières, celle du dessus et celle du dessous, Gonflées, meurtries, sanguinolentes. Les joues ravagées. Les joues ravinées. Les joues ravaudées. Ses larmes lui avaient comme labouré les joues. Les larmes de chaque côté lui avaient creusé un sillon dans les joues. Les yeux lui cuisaient, lui brûlaient. Jamais on n’avait autant pleuré. Et pourtant ce lui était un soulagement de pleurer. La peau lui cuisait, lui brûlait. Et lui pendant ce temps-là sur la croix les Cinq Plaies lui brûlaient. Et il avait la fièvre. Et elle avait la fièvre. Et elle était ainsi associée à sa elle l’abandonnait à cette foule. Elle laissait aller. Elle laissait couler. Qu’est-ce qu’une femme peut faire dans une foule. Je vous le demande. Elle ne se reconnaissait plus. Elle était bien changée. Elle allait entendre le cri. Le cri qui ne s’éteindra dans aucune nuit d’aucun temps. Ce n’était pas étonnant qu’elle ne se reconnaissait plus. En effet elle n’était plus la même. Jusqu’à ce jour elle avait été la Reine de Beauté. Et elle ne serait plus, elle ne redeviendrait plus la Reine de Beauté que dans le ciel. Le jour de sa mort et de son assomption. Après le jour de sa mort et de son assomption. Éternellement. Mais aujourd’hui elle devenait la Reine de Miséricorde. Comme elle sera dans les siècles des dommage. Une vie qui avait si bien commencé. C’était dommage. Elle se rappelait bien. Comme il rayonnait sur la paille dans cette étable de Bethléem. Une étoile était montée. Les bergers l’adoraient. Les mages l’adoraient. Les anges l’adoraient. Qu’étaient donc devenus tous ces gens-là . Qu’est-ce que tout ce monde-là était devenu. Pourtant c’étaient les mêmes gens. C’était le même monde. Les gens étaient toujours les gens. Le monde était toujours le monde. On n’avait pas changé le monde. Les rois étaient toujours les rois. Et les bergers étaient toujours les bergers. Les grands étaient toujours les grands. Et les petits étaient toujours les petits. Les riches étaient toujours les riches. Et les pauvres étaient toujours les pauvres. Le gouvernement était toujours le gouvernement. Elle ne voyait pas qu’en effet il avait changé le quelle était sa récompense. Voilà comme elle était récompensée. D’avoir porté. D’avoir enfanté. D’avoir allaité. D’avoir porté. Dans ses bras. Celui qui est mort pour les péchés du monde. D’avoir porté. D’avoir enfanté. D’avoir allaité. D’avoir porté. Dans ses bras. Celui qui est mort pour le salut du monde. D’avoir porté. D’avoir enfanté. D’avoir allaité. D’avoir porté. Dans ses bras. Celui par qui les péchés du monde seront remis. Et de lui avoir fait sa soupe et bordé son lit jusqu’à trente ans. Car il se laissait volontiers environner de sa tendresse. Il savait que ça ne durerait pas sentait tout ce qui se passait dans son corps. Surtout la souffrance. Il avait surtout une crampe. Une crampe effroyable. À cause de cette position. De rester toujours dans la même position. Elle la sentait. D’être forcé d’être dans cette affreuse position. Une crampe de tout le corps. Et tout le poids de son corps portait sur ses quatre Plaies. Il avait des crampes. Elle savait combien il souffrait. Elle sentait bien combien il avait de mal. Elle avait mal à sa tête et à son flanc et à ses Quatre Plaies. Et lui en lui-même il se disait Voilà ma mère. Qu’est-ce que j’en ai fait. Voilà ce que j’ai fait de ma mère. Cette pauvre vieille femme. Devenue vieille. Qui nous suit depuis vingt-quatre heures. De prétoire en prétoire. Et de prétoire en place comme tous les mourants il repassait sa vie entière. Toute la vie à Nazareth. Il se revoyait tout le long de sa vie entière. Et il se demandait comment il avait pu se faire tant d’ennemis. C’était une gageure. Comment il avait réussi à se faire tant d’ennemis. C’était une gageure. C’était un défi. Ceux de la ville, ceux des faubourgs, ceux des campagnes. Tous ceux qui étaient là , qui étaient venus. Qui s’étaient rassemblés là . Qui étaient assemblés. Comme à une fête. À une fête odieuse. Chrétiens, vous savez pourquoi C’est qu’il était venu annoncer le règne de Dieu. Et en somme tout ce monde-là avait raison. Tout ce monde-là ne se trompait pas tant que ça. C’était la grande fête qui était donnée pour le salut du monde. Seulement c’était lui qui en faisait les frais. Les marchands, il comprenait encore. C’était lui qui avait commencé. Il s’était mis un jour en colère après eux. Dans une sainte colère. Et il les avait chassés du temple. À grands coups de il n’aimait pas les commerçants. Ouvrier. Fils d’ouvriers. Fils nourricier. Fils nourri. De famille ouvrière. D’instinct il n’aimait pas les commerçants. Il n’entendait rien au commerce. Au négoce. Il ne savait que travailler. Il était porté à croire que tous les commerçants étaient des voleurs. Les marchands, les marchands du Temple il comprenait encore. Mais les un mourant, comme tous les mourants il repassait sa vie entière. Au moment de la présenter. De la rapporter à son père. Un jour les camarades l’avaient trouvé trop grand. Simplement. Un jour les amis, les amis l’avaient trouvé trop grand. Un jour les citoyens l’avaient trouvé trop grand. Et il n’avait pas été prophète en son pays. Chrétiens, vous savez pourquoi C’est qu’il était venu annoncer le règne de Dieu. Tout le monde l’avait trouvé trop grand. Ça se voyait trop qu’il était le fils de Dieu. Quand on le fréquentait. Les Juifs l’avaient trouvé trop grand. Pour un Juif. Trop grand Juif. Ça se voyait trop qu’il était le Messie prédit par les Prophètes. Annoncé, attendu depuis les siècles des repassait, il repassait toutes les heures de sa vie. Toute la vie à Nazareth. Il avait semé tant d’amour. Il récoltait tant de haine. Son cœur lui brûlait. Son cœur dévoré d’amour. Et à sa mère il avait apporté ceci. De voir ainsi traiter Le fruit de ses cœur lui brûlait. Son cœur lui dévorait. Son cœur brûlé d’amour. Son cœur dévoré d’amour. Son cœur consumé d’amour. Et jamais homme avait-il soulevé tant de haine. Jamais homme avait-il soulevé une telle haine. C’était une gageure. C’était comme un défi. Comme il avait semé il n’avait pas récolté. Son père savait pourquoi. Ses amis l’aimaient-ils autant que ses ennemis le haïssaient. Son père le savait. Ses disciples, ses disciples l’aimaient-ils autant que ses ennemis le haïssaient. Son père le savait. Ses apôtres, ses apôtres l’aimaient-ils autant que ses ennemis le haïssaient. Son père le savait. Les onze l’aimaient-ils autant que le douzième, que le treizième le haïssait. Les onze l’aimaient-ils autant que le douzième, que le treizième l’avait trahi. Son père le savait. Son père le donc que l’homme. Cet homme. Qu’il était venu sauver. Dont il avait revêtu la nature. Il ne le savait pas. Comme homme il ne le savait pas. Car nul homme ne connaît l’homme. Car une vie d’homme. Une vie humaine, comme homme, ne suffit pas à connaître l’homme. Tant il est grand. Et tant il est petit. Tant il est haut. Et tant il est bas. Qu’est-ce que c’était donc que l’homme. Cet homme. Dont il avait revêtu la nature. Son père le il sentait monter à lui sa mort humaine, Sans voir sa mère en pleur et douloureuse en bas, Droite au pied de la croix, ni Jean ni Madeleine, Jésus mourant pleura sur la mort de Judas. Mourant de sa mort, de notre mort humaine, seulement, il pleura sur cette mort éternelle. Car il avait connu que le damné suprême Jetait l’argent du sang qu’il s’était fait payer, Ces trente malheureux deniers on aurait mieux fait de ne pas les fabriquer. De ne jamais les fabriquer. Malheureux celui qui les frappa. À l’effigie de César. Malheureux celui qui les reçut. À l’effigie de César. Malheureux tous ceux qui eurent affaire à eux. À l’effigie de César. Malheureux tous ceux qui eurent commerce avec eux. À l’effigie, à l’effigie de César. Qui se les passèrent de main en main. Deniers dangereux. Plus faux. Infiniment plus dangereux. Infiniment plus faux que de la fausse voyait tout d’avance et tout en même temps. Il voyait tout après. Il voyait tout avant. Il voyait tout pendant, il voyait tout alors. Tout lui était présent de toute éternité. Et c’est alors qu’il sut la souffrance infinie, C’est alors qu’il connut, c’est alors qu’il apprit, C’est alors qu’il sentit l’infinie agonie, Et cria comme un fou l’épouvantable angoisse, Clameur dont chancela Marie encor debout, Et par pitié du Père il eut sa mort du Mystere de la charité de Jeanne d'Arc
. 284 359 5 338 192 11 440 446
charles peguy la mort n est rien